Un départ à la recherche du passé, afin de reconstruire sa propre vie. Tel est le défi que lance K. Mourad pour écrire et raconter son propre histoire. Le jardin de Badalpour est un chef-d'œuvre qui appartient au patrimoine littéraire et mondial, et qui prône avant tout la dignité de l'être humain.
Narration, description des lieux divers; discours; longues dissertations, romantisme, philosophie esthétique, et techniques d'écriture, le tout se combine et s'harmonise dans un roman plein d'émotion et de fidélité, d'authenticité et de réflexions sur la condition de l'être humain, sur le statut de la femme orientale, son amour, ses droits, son émancipation, son enfermement et sa liberté ; sur le statut des enfants délaissés et orphelins. Roman autobiographique, le jardin de Badalpour lance un grand cri d'appel à la conscience humaine pour se ressaisir.
L'écriture pour K. Mourad est un perfectionnisme d'artiste qui cherche les moindres détails. L'écriture lui paraît un investissement. « J'ai besoin de temps pour écrire; je suis perfectionniste, je vérifie les moindres détails (…) par ailleurs, j'ai besoin de m’isoler, de récréer tout un monde ; de me construire une bulle (…) Après j'ai besoin de respirer, de vivre (…) je me suis rendu compte que je ne pouvais plus écrire si je ne m'attaquais pas à mon histoire personnelle. »
Le roman, depuis ses origines, n’a cessé de jouer avec le lecteur un jeu de masquage de la vérité et du mensonge. Lorsque l’auteur-écrivain s’autocite, le récit revêt un caractère autobiographique apportant une émotion particulière, et une résonance différente à la lecture. L’auteur-écrivain exalte presque tous les détails minimes de sa propre vie et utilise un matériau authentique sans se déguiser.
C’est toujours une écrivaine qui parle, énonce sans ambiguïté et sans confusion son œuvre autoréflexive. Le jardin de Badalpour de Kenizé Mourad offre au lecteur un patrimoine riche d’indications et d’informations inconnues cachées dans un for-intérieur, sous-jacent d’une volonté de système.
La légitimité de cette approche consiste à relier l’autobiographie de l’auteur à des notions conçues, à des rituels de conditions familiales, sociales, et à un système de lecture rétrospective. C’est pour cette cause, que le roman apparait dans toute sa complexité la plus profonde, une sorte de « constellation » .
C’est ainsi que nous tenterons de justifier, tout au long de notre travail le processus d’une écriture autobiographique qui relève de la problématique de l’expérience personnelle. « Je n’écris pas par amour de beau style (…) j’écris pour faire passer des idées (…) que le vrai islam est un islam ouvert et modéré ; que le statut des femmes n’a pas toujours été celui que l’extension actuelle du niqab laisse imaginer la morgue occidentale, tout comme le racisme, sont fondés sur l’ignorance de l’autre ».
Notre objectif fondamental sera le déchiffrement de cette perplexité à travers une étude ayant pour essence les problèmes posés entre :
auteur-lecteur-narrateur / auteur-lecteur-écrivain
dont nous aborderons ici l’étude. A ce propos, il convient donc de citer les mots de Walter. Benjamin : « J’appris de bonne heure à me dissimuler dans les mots, qui étaient en réalité des nuages. Le don de reconnaître des similitudes n’est, en effet, rien d’autre que les vestiges affaiblis de la vieille compulsion à devenir semblables aux autres, à se conduire comme eux».
L’imagination autobiographique pour k. Mourad est une faculté de comparaison, de formation, de combinaison, de discrimination, de représentation non perspective. Elle est d’emblée une expérience transcendantale.
Dans ce récit passionnant et fascinant, K. Mourad se dévoile en disant:« J'ai voulu raconter cette histoire. J'ai voulu raconter un autre islam. J'ai voulu montrer que les religions disaient la même chose par des chemins différents et lorsqu'elles s'entendaient, cela produisait des merveilles ».
« Mon domaine, c'était les pays de la sphère musulmane et du sous-contient indien, et je voulais expliquer aux Français des choses auxquelles ils ne comprenaient rien ».
Etablissant un contrat ou un pacte de lecture sans tomber dans le piège de faire de son histoire raconté un mythe à suivre; elle rejoint Philippe Lejeune dans son œuvre, Moi aussi quand il écrit: « Le terme "contrat" suggère qu'il s'agit de règles explicites, fixes et reconnues d'un commun accord par les auteurs et par les lecteurs: chez le notaire, les deux parties signent le même contrat, au même instant. Rien de tel en littérature».
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